Le sang dEragon
Hier j’ai été l'un des spectateurs du film Eragon, après avoir été émerveillé par tant de films d’Heroic Fantasy, de La Guerre des Etoiles au Seigneur des Anneaux. Là, le héros n’était pas le jeune Frodon et son célébrissime anneau, mais un jeune paysan, Eragon, choisi pour chevaucher un dragon femelle aux pouvoirs magiques, Saphira, et pour sauver le monde d’une dictature sanguinaire.
Le destin des humanoïdes de cette époque est entre ses mains. Je dis des humanoïdes, car tous ne sont pas humains, les elfes, dotés de pouvoirs étranges, dans cet univers fantastique ! Mais aussi, les nains et les dragons, qui lisent dans les pensées et communiquent ainsi avec leurs cavaliers, les « dragonniers » ou « dragon-riders » en anglais. Dans cet univers sordide et terrifiant, des quasi-morts vivants, à l’odeur de viande pourrie, pourchassent notre héros Eragon, tandis que celui-ci cherche à atteindre dans sa quête la terre des rebelles, les Vardens, et à échapper aux soldats du dictateur, Galbatorix.
Les pouvoirs magiques des dragonniers sont tels que certains mots elfes prononcés par eux deviennent les objets de ce qu’ils cherchent à décrire : le feu, le pouvoir de vision « infra-rouge ». Le déchaînement des éléments et des haines est tel que les héros ne savent plus où donner de la tête. Leurs ennemis sont tellement effrayants, tant par leur aspect que par leurs pouvoirs, qu’ils rivalisent dans la peur qu’ils peuvent inspirer à Eragon, envoyant des éclairs rouges et des boules d’énergie de leurs paumes, incendiant des pans entiers de forêt par d’immenses langues de feu.Les monstres à cornes poussent des hurlements terrifiants, aboyant de façon inhumaine.
Seulement, nos héros ne sont pas dénués de pouvoirs surnaturels: des éclairs féeriques de lumière vert émeraude s’échappent des pierres magiques et ensorcelées, provenant d’étranges légendes, au beau milieu de paysages magnifiques et hostiles.
Après prés de deux heures de spectacle de chevauchées fantastiques, tantôt à dos de cheval, tantôt juché sur un dragon, de batailles rangées où le sang coule à flot, avec leur lot de vacarme assourdissant, de hurlements des guerriers à l’attaque, je me pose la question fatale : qu’est-ce qui changé par rapport aux premiers romans de Chrestien de Troyes, sur les chevaliers de la table ronde et leur quête du Graal ?
En fait, rien, si ce n’est la recette : un zeste de magie, une once d’effets spéciaux et d’utopie, qui ne font que corser la chose par des combats inhumains, de non-humains : elfes, nains et autres dragons. Mais la quête de l’inconnu et de l’inaccessible est la même, la même volonté de se confronter au fantastique et à l’étrange, à l’occulte et à l’obscur, pour rêver de voir révélés sous nos yeux ébahis des secrets mystérieux et antiques, venus du fond des âges.
L’Homme est toujours en proie à ces deux pôles parfois incompatibles, cette double quête, personnelle et individuelle, d’épanouissement et d’accomplissement personnel, mais aussi de cette quête humaniste de l’Universel, celle qui rapproche les hommes malgré toutes leurs différences et leurs divergences de vues, de races, de cultes et de cultures.